Cher.es vous,
Les dernières semaines ont été riches en bonnes nouvelles pour mon activité : des nouveaux clients, des collaborations géniales et des projets enthousiasmants sont à venir… Et boom. Je suis tombée malade. Pendant deux semaines, j’ai souffert d’une toux incessante qui m’empêchait de dire un mot, accompagnée d’une fièvre constante en arrière-plan. Ce virus étrange, que je n’ai transmis à aucun membre de ma famille, est apparu en concomitance avec mon manque d’inspiration. Hasard, vous avez dit hasard ?
Avant cette maladie mystérieuse bien qu’anodine, je me souviens avoir partagé à mes proches combien je me sentais bien dans ma vie en ce moment et que je ne me rappelais pas d’avoir été aussi épanouie.
Trois jours plus tard, j’agonisais et je n’avais plus envie de rien faire.
Serait-ce possible que trop de bonheur tue le bonheur ? J’ai alors repensé à Gay Hendricks et son livre « The big leap » dans lequel l’auteur part du postulat que nous ne sommes pas – initialement – cablé.es pour des périodes prolongées de bonheur. Quand trop d’événements positifs se succèdent, nous recourrons donc à l’auto-sabotage pour reprendre un shot d’émotions négatives. Soulagement. Ça va beaucoup mieux quand ça va moins bien. Nous voilà rassurées d’aller mal.
Cette semaine, j’avais donc envie de parler du mal courant qui nous frappe lorsque notre vie devient trop agréable : le bien nommé auto-sabotage.
Le problème de la limite supérieure
D’après Hendricks, nous aurions tous et toutes une tolérance limitée au bonheur :
“Chacun de nous est doté d’un thermostat interne qui détermine la quantité d’amour, de réussite et de créativité que nous pouvons nous permettre, selon son réglage. Lorsque nous dépassons ce réglage, il nous arrive de faire un geste qui nous sabotera – quelque chose qui nous fera chuter dans notre vieille zone familière, où nous nous sentons en sécurité.”
L’auteur donne l’exemple d’un docteur, à la tête d’une entreprise prospère pour laquelle il avait reçu une offre de rachat de 3M$, à laquelle s’ajoutait un généreux contrat de travail de deux ans. Le deal est quasiment conclu avant que l’entrepreneur ne réalise qu’il va perdre deux semaines de vacances par rapport à ce qu’il prend habituellement. Catastrophe. Ces 10 jours de travail supplémentaires deviennent une telle obsession qu’il se prend la tête avec ses acheteurs qui finissent par retirer leur offre. Comme vous pouvez vous en douter, le malheureux a pris le temps de s’introspecter et d’analyser la situation à froid : au fond de lui, il pensait ne pas mériter cette offre. Il s’est donc pris de plein fouet ce que l’auteur appelle « le problème de la limite supérieure » (upper limit problem).
Alors je vous rassure, nul besoin de passer à côté d’un rachat à 7 chiffres pour tomber dans le piège. Cet acte d’auto-sabotage, souvent inconscient, peut intervenir dans toutes les sphères de votre vie : vous vous embrouillez avec votre conjoint.e après l’annonce d’une promotion par exemple, ou bien vous souffrez d’une extinction de voix lors d’un meeting crucial avec des investisseurs potentiels qui pourtant, permettraient de propulser votre startup.
Si vous vous reconnaissez dans les situations évoquées (ou similaires), c’est le signe que vous éprouvez une culpabilité sous-jacente liée à votre réussite et que vous êtes également en proie à votre limite supérieure.
Identifier vos barrières
« Je suis venue, j’ai vu, j’ai vaincu puis j’ai fait marche arrière », nous dit une célèbre philosophe contemporaine 💎.
Vous avez sincèrement envie de réussir mais vous sentez qu’une part de vous met le pied sur le frein dès que vous accélérez, sans comprendre pourquoi.
Cette conduite par à-coups est provoquée par la pensée « je ne devrais pas être si heureux.se (ou si riche ou si chanceux.se) ». Votre esprit, désorienté, voudrait se rendre dans deux directions opposées ce qui crée un phénomène de dissonance cognitive. Résultat : erreur 404, la page à laquelle vous souhaitez accéder n’est pas disponible. Vous êtes en bug.
Voici quelques exemples de barrières qui pourraient vous empêcher de nager pleinement dans le bonheur d’une réussite totale :
- Le sentiment d’imperfection
Ici, on ne parle pas de perfectionnisme mais d’une conviction diffuse et profonde à propos de soi-même, qui nous fait nous sentir fondamentalement imparfait.e, pouvant être formulée de la sorte :
« Comme il y a quelque chose qui est fondamentalement imparfait chez moi, je ne peux atteindre mon plein potentiel. »
Si on vous a répété que vous étiez stupide ou bon.ne à rien pendant toute votre enfance, il se peut que vous vous trouviez trop « dysfonctionnant.e » pour mériter le bonheur. Hendricks donne l’exemple d’un dirigeant d’entreprise dont les parents ont divorcé quand il était jeune. Son père était incapable de le regarder sans éprouver de la haine pour sa mère. Le pauvre garçon, accusé d’un crime qu’il n’avait pas commis, avait fini par intégrer inconsciemment que quelque chose ne tournait pas rond chez lui.
- Déloyauté et abandon
Très présent chez celles et ceux qui changent de « classe sociale » ✌️. La réussite entraîne alors la culpabilité de pouvoir profiter d’une vie plus facile que ce que nos parents ont vécu. La conviction ici :
« Je ne peux pas réussir car je finirais par être seul.e, je serais déloyal.e à mes origines et je laisserais derrière moi les gens de mon passé. »
Cette forme de culpabilité peut également surgir si vous avez échoué à combler les attentes de votre famille, même si vous avez du succès dans ce que vous faites.
Par exemple, si vos parents désirent que vous soyez avocat.e mais que vous décidez de vous investir à fond dans une carrière musicale sans prendre le temps de mettre les choses à plat avec eux, il y a fort à parier que vous serez soumis.e à la tentation de l’auto-sabotage dès que vous obtiendrez un soupçon de notoriété…
- Le crime d’éclipser les autres
Cette barrière se retrouve souvent dans une fratrie mais pas que, et ressemble à quelque chose comme :
« Je ne dois pas connaître la réussite totale, car si je le fais j’éclipserais x ou je le ou la ferais paraître ou se sentir très mal. »
Cette situation s’observe notamment lorsqu’un enfant est particulièrement doué : ses parents peuvent lui accorder beaucoup d’attention tout en lui demandant paradoxalement, de manière plus ou moins subliminale, de ne pas faire de l’ombre à ses frères et sœurs. Ainsi, le jeune talent peut adopter deux comportements: soit il restreint volontairement ses facultés, soit il réduit le plaisir ressenti afin d’alléger sa culpabilité de faire souffrir un ou plusieurs proches.
Il s’agit ici des freins principaux mais il en existe autant que nous sommes sur cette planète. En fonction de notre histoire, nous avons une propension au bonheur plus ou moins importante, il est donc possible qu’aucune situation ne résonne chez vous et c’est tant mieux !
En revanche, si vous êtes tombé.e malade, avez eu un accident ou connu une histoire abracadabrantesque lors d’une réussite avérée ou potentielle (comme par exemple une crise d’appendicite aiguë le jour précis de vos concours 😬)… Ne cherchez plus.
Passer de l’excellence au génie
Une fois libéré.e de notre problème de limite supérieure, il nous reste donc plus qu’à plonger dans ce que l’auteur appelle notre « zone de génie », définie schématiquement de la sorte :
zone d’incompétence < zone de compétence < zone d’excellence < 🔥 zone de génie
Le plus difficile étant le passage de la zone d’excellence à la zone de génie qui nécessite le fameux « grand saut ». En effet, vos proches et votre dépendance au confort vous retiennent dans cet espace cotonneux et confortable : vous accomplissez des activités parfaitement et vous gagnez bien notre vie, pourquoi vous en extraire ?
Lorsque j’envisageais ma reconversion, plusieurs affirmaient « ne fais pas ça, c’est sûr que la finance c’est ton truc, sinon tu serais nulle ».
Rien n’est moins sûr. Ce n’est pas parce que vous produisez du travail de qualité dans les temps impartis que le job en question se trouve dans votre zone de génie. C’est effectivement le cas si vous vous sentez bien, vous progressez et que vous adorez ce que vous faites. Mais si vous ne vous sentez pas aligné.e alors que vous « délivrez », cela traduit généralement deux choses : vous avez une bonne adaptabilité et vous êtes dans une de vos zones d’excellence.
Les appels provenant de votre zone de génie seront de plus en plus insistants au fur et à mesure que vous avancerez dans la vie. Par conséquent, celles qui s’obstinent à faire la sourde oreille commenceront alors à développer tout un tas de maux plus ou moins douloureux (burnout, dépression, relations conflictuelles…).
Et c’est pour ça qu’il est judicieux de se poser des questions avant que la crise d’ado ne contre-attaque avant/à partir de la quarantaine et après 🙈 !
Pour conclure cette édition, je vous suggère donc de vous octroyer plusieurs signatures dans le carnet de correspondance de votre vie :
Autorisez-vous à faire ce grand saut.
Autorisez-vous à lâchez cette culpabilité encombrante qui ne sert personne.
Autorisez-vous à réussir pleinement.
Ainsi, vous serez en mesure de répondre à Christophe, que le bonheur non seulement il est là, mais il va rester chez vous un bon moment.
Let’s jump 🤾🏽♂️!
Aloïs
A LIRE AUSSI
Trouver son flow.
Quand on n'est pas une rappeuse.